Étude réalisée par l’IFOP pour IAMSTRONG (novembre 2024)
Dépression, idées suicidaires, anti-dépresseurs : une jeunesse dans un état de souffrance psychique préoccupant…
1 – Un jeune sur deux (48%) de 11-24 ans a déjà vécu un épisode dépressif d’au moins 2 semaines, dont 25% dans les 12 derniers mois, confirmant par-là l’explosion des épisodes dépressifs caractérisés observée chez les 18-24 ans en 2021 par Santé Publique France.
2 – Plus grave, un jeune sur quatre confie avoir déjà eu des idées suicidaires (23%, dont 9% ces 12 derniers mois), ce qui marque une forte hausse de la prévalence de pensées suicidaires dans l’année pour les jeunes de 18 à 24 ans entre 2014 (3,3% – SPF) et 2024 (13%).
Des marques de détresse psychologique qui vont souvent de pair avec un regard très négatif porté sur soi-même, notamment chez les filles
3 – Conséquence de l’aggravation de leur état psychologique, nombre de jeunes ont déjà pris des anti-dépresseurs : 16% dans leur vie et 7% ces 12 derniers mois, soit un taux assez proche du niveau évalué par le HCFEA (5% 3 ) pour la population pédiatrique en 2023.
Des marques de détresse psychologique qui vont souvent de pair avec un regard très négatif porté sur soi-même, notamment chez les filles
4 – Les indicateurs de vulnérabilité psychologique sont plus élevés chez les filles, que ce soit via l’anxiété (68%, contre 51% chez les garçons), les états dépressifs (55%, contre 40%) mais aussi les pensées suicidaires, deux fois plus fréquentes chez les filles (27%) que chez les garçons (18%).
5 – Très élevée chez les dépressifs, la tendance à s’auto-déprécier s’avère, elle aussi, très genrée si l’on en juge par la proportion de filles ayant « une opinion négative d’elles-mêmes » (38%, contre 26% des garçons) ou n’ayant pas confiance en leur niveau scolaire (34%, contre 23% des garçons).
6 – Enfin, ce mal-être féminin va de pair avec une envie plus marquée « de tout abandonner » (32%, contre 17% des hommes), un sentiment de solitude plus élevé (55%, contre 45% des hommes) et un plus fort écœurement à l’égard de la société environnante (68%, contre 49% des hommes).
La manque d’estime de soi sur le plan physique, une variable lourde de la détresse psychologique des jeunes…
7 – L’estime de soi sur le plan physique est en effet un facteur majeur des pensées suicidaires : la proportion de jeunes ayant déjà pensé à se suicider étant trois fois plus forte chez les jeunes ne se sentant pas beaux/belles (59%) que chez ceux ou celles de disant
beaux/belles (11%).
8 – On retrouve le même effet sur le sentiment de stress, de solitude ou encore l’impression de malchance de vivre à notre époque, trois plus répandu chez les jeunes ne se sentant pas beaux/belles (46%) que chez ceux ou celles se disant beaux/belles (17%).
9 – Enfin, le manque d’estime de soi physique pèse aussi sur la confiance dans ses capacités scolaires, alors même qu’il est à priori plutôt éloigné du sujet : 69% des élèves ne se sentant pas beaux n’ont pas confiance en eux sur le plan scolaire, contre 16% de ceux qui se disent
beaux.
1 Léon C, du Roscoät E, Beck F. Prévalence des épisodes dépressifs en France chez les 18-85 ans : résultats du Baromètre santé 2021. Bull Epidemiol Hebd. 2023;(2):28-40
2 Http://www.enclass.fr/application/files/7217/1569/1422/LePointSur_Enclass.pdf
3 https://www.radiofrance.fr/franceinter/la-consommation-d-antidepresseurs-chez-les-plus-jeunes-a-augmente-de-62-entre-2014-et-2021-6373000
1 – Le pessimisme quant aux opportunités qui s’offrent aux jeunes pour s’intégrer dans la société affecte une minorité d’entre eux, minorité d’ailleurs moins forte aujourd’hui qu’il y a trente ans : un jeune sur trois âgé de 15 à 24 ans (31%) a le sentiment d’avoir de la « malchance de vivre à l’époque actuelle », soit une proportion semblable à celle mesurée dans cette tranche d’âge il y a trente ans (36% en 1994).
2 – Le désenchantement à l’égard du monde est, lui, plus répandu chez les jeunes sans être pour autant plus élevé que celui observé chez leurs aînés il y a une cinquantaine d’années : 57% des adolescents de 14 à 15 ans se disent aujourd’hui « écœurés par ce qu’ils voient autour d’eux », soit nettement moins qu’il y a 50 ans (70% en 1973) dans un contexte post-soixante-huitard où, il faut le rappeler, la tendance dominante dans la jeunesse était beaucoup plus à la contestation.
3 – Alimenté par les crises (sanitaires, environnementales…) qui pèsent sur les esprits, le ressentiment d’une partie des jeunes à l’égard du monde qui les entourent n’en fait pas pour autant une génération fataliste. Au contraire, la tentation de baisser les bras et de tout abandonner affecte en 2024 à peine plus d’un quart des jeunes âgés de 14 à 15 ans (23 %), contre plus d’un tiers il y a une cinquantaine d’années (37 % en 1973).
Le point de vue de François Kraus (IFOP) : « Le désenchantement adolescent à l’égard du monde et de la société est loin d’être une nouveauté si l’on en juge par la perspective historique donnée par cette enquête. En réalité, l’adolescence et la post-adolescence sont une phase de la vie ou s’exacerbe « toutes les vulnérabilités » à un âge où les jeunes sont soumis à des chamboulements physiques et physiologiques lourds mais aussi à des de expériences parfois violentes. Attisé par les excès d’idéalisme habituellement observé à un âge ou l’adolescent peine à trouver sa place dans l’environnement qui l’entoure, ce rapport quelque peu désabusé à la société apparaît plutôt une constante sociologique dont la récurrence donne à penser qu’il est davantage le fruit d’un « effet d’âge » que d’un « effet de génération ».
L’étude montre à quel point les troubles psychiques – signalés par de nombreux rapports post-confinements – atteignent des niveaux de prévalence alarmants chez des jeunes qui admettent massivement être l’objet de symptômes anxieux, dépressifs voire suicidaires.
4 – L’étude met ainsi en relief l’ampleur inégalée des pensées suicidaires chez les jeunes : un jeune sur quatre (23%) âgé de 11 à 24 ans confie des idées suicidaires au cours de leur vie dont près de la moitié ces 12 derniers mois (9%).
Or, en mettant ces résultats en perspective historique avec les données du Baromètre SPF, on note que la proportion de jeunes adultes (18-24 ans) admettant des pensées suicidaires dans l’année écoulée a explosé en dix ans, en passant de 3,3% en 2014 à 7,4% en 2020, pour atteindre désormais 13% en 2024. C’est chez les femmes de 18 à 24 ans que la progression est la plus inquiétante : 3,3% en 2014, 9,4% en 2021, 16% en 2024.
5 – Les pensées suicidaires ne sont souvent que la partie immergée d’une détresse psychologique moins grave mais plus diffuse : environ la moitié des jeunes de 11 à 24 ans ont déjà vécu des troubles anxieux (59%, dont 34% ces 12 derniers mois), des états dépressifs d’au moins 2 semaines (48%, dont 25% ces 12 derniers mois) ou des troubles du sommeil (47%, dont 30% ces 12 derniers mois). Là aussi, on peut supposer une progression des états dépressifs caractérisés au cours des 12 derniers mois chez les 18 à 24 ans : 35% en 2024, alors que selon une définition proche mais plus restrictive de santé Publique France, leur prévalence était de 20,8% en 2021 et 11,7% en 2017.
Le point de vue d’Anne-Claire de Pracomtal (psychologue et co-fondatrice IAMSTRONG) : « Ces chiffres alarmants traduisent une souffrance profonde chez les jeunes, exacerbée par la pression des réseaux sociaux et l’isolement. Il est urgent de renforcer l’accompagnement en santé mentale dès le plus jeune âge pour développer des outils de résilience et de gestion des émotions. »
6 – Chez les jeunes en cours d’étude, ce mal-être va de pair avec des troubles psychologiques du quotidien tels que le fait d’avoir « souvent envie de tout abandonner » (29%), des difficultés à dormir telles que des insomnies et des réveils nocturnes (32%) ou encore des « maux de tête ou de ventre inexpliqués » (33%), notamment chez les filles (42%). Ces symptômes de fragilité psychologique sont aussi corrélés à des comportements potentiellement problématiques en milieu scolaire tels que la tendance à se mettre « en colère pour pas grand-chose » (36%), des difficultés à contrôler son énervement » (32%) ou « à tenir en place » (31%).
Le point de vue d’Anne-Claire de Pracomtal (psychologue et co-fondatrice IAMSTRONG) : « Ces chiffres révèlent
une détresse psychologique généralisée chez les jeunes, avec une forte hausse des troubles anxieux, dépressifs et du sommeil. Il est crucial d’agir en prévention, en aidant les jeunes à mieux gérer le stress et à développer des outils pour renforcer leur bien-être mental. Chez IAMSTRONG, nous travaillons à sensibiliser et accompagner les jeunes pour prévenir cette souffrance diffuse.
7 – Les jeunes en cours d’étude sont nombreux à admettre un manque flagrant de confiance en eux. Ce déficit de confiance en soi transparaît ainsi dans des formes d’autodépréciation comme le fait d’avoir « du mal à voir ses qualités » – sentiment éprouvé par 53% des jeunes, et jusqu’à 79% chez ceux ayant traversé récemment un épisode dépressif – ou de se sentir « moins doué que les autres », impression ressentie par un tiers des élèves (33%) et les deux tiers de ceux ayant pris récemment des antidépresseurs (69%). Environ un tiers des jeunes rapportent également avoir « une opinion négative d’eux-mêmes » (31%).
8 – Cette tendance à la dépréciation affecte tout particulièrement le jugement qu’ils portent sur leurs capacités scolaires : de nombreux élèves assument d’avoir peur « de l’échec » – sentiment éprouvé par 62% des élèves, dont 93% chez ceux ayant eu récemment des pensées suicidaires – mais aussi par exemple « de prendre la parole en cours » ressentie par 44% des élèves, dont 63% chez les dépressifs. La détresse face aux notes et à la pression scolaire apparaît donc comme un phénomène très répandu qui affecte tout particulièrement les élèves souffrant de différents troubles psychologiques.
9 – Le manque de confiance en soi sur le plan scolaire affecte plus d’un jeune sur quatre (28%), en particulier ceux ayant un faible niveau social.
L’auto-dépréciation de son niveau scolaire affecte en effet deux fois plus les élèves des milieux les plus modestes (33% des élèves appartenant aux foyers de revenus inférieurs à 900 € nets/mois par individu) que ceux des milieux les plus aisés (16% des élèves appartenant aux foyers de revenus supérieurs à 2500 € nets/mois par individu). Plus d’un tiers des filles (34%) contre moins d’un quart des garçons (23%) indiquent ne pas avoir confiance en leur niveau scolaire, cette proportion montant même à 38% chez les jeunes filles homo, bi ou pansexuelle.
Autre principal enseignant de l’enquête, un profond « gender gap » apparaît dans les problèmes de santé mentale et de confiance en soi des jeunes : les symptômes anxieux et dépressifs et autres idées suicidaires étant notamment beaucoup plus répandus chez les jeunes filles.
10 – On observe dans la gent féminine de cet âge des troubles psychiques juvéniles nettement plus répandus que dans la gent masculine tels que des troubles anxieux (68%, contre 51% chez les hommes), des états dépressifs (55%, contre 40% des hommes) ou des pensées suicidaires (27%, contre 18% des hommes).
11 – Le niveau de stress est aussi beaucoup plus fort dans les rangs des femmes, et notamment des étudiantes. En effet, les trois quarts des femmes indiquent être stressées (76%), contre à peine six hommes sur dix du même âge (61%). Et la proportion de femmes très stressées croît avec l’âge : elle est deux fois plus forte dans les rangs des filles âgées de 22 à 24 ans (37%) que dans celles âgées de 11 à 14 ans (15%).
12 – D’autres variables de l’enquête confirment les écarts en fonction du genre en matière de confiance en soi, de stress ou de relation aux autres. Le mal-être féminin va de pair avec une envie plus marquée « de tout abandonner » (32%, contre 17% des hommes), un sentiment de solitude plus élevé (55%, contre 45% des hommes) et un plus fort écœurement à l’égard de la société environnante (68%, contre 49% des hommes).
Enfin, si de multiples facteurs ont une influence sur la santé mentale, l’enquête a le mérite pour la première fois de montrer à quel point le point de vue négatif des jeunes sur leur vie et sur la société peut être notamment déterminé par leur faible estime de soi sur plan physico-esthétique.
13 – Le niveau de stress et de solitude est ainsi bien plus haut chez les jeunes ayant une mauvaise auto-evaluation physique : 90% des jeunes ne se trouvant
« pas beau/belle » indiquent être stressés, contre 68% en moyenne. De même, 81% des jeunes de 14-24 ans ne se trouvant « pas beau/belle » ressentent régulièrement le sentiment de solitude.
14 – L’estime de soi sur le plan physique apparaît aussi comme un facteur majeur des pensées suicidaires. Par exemple, la proportion de jeunes ayant déjà pensé à se suicider au cours de leur vie est trois fois plus forte chez les jeunes ne se sentant pas beaux/belles (59%) que chez ceux ou celles de disant beaux/belles (11%). On retrouve le même effet sur le sentiment de malchance de vivre à notre époque, trois plus répandu chez les jeunes ne se sentant pas beaux/belles (46%) que chez ceux ou celles de disant beaux/belles (17%).
15 – Enfin le manque d’estime de soi physique pèse aussi sur la confiance dans ses capacités scolaires, alors même qu’il est à priori plutôt éloigné du sujet : 69% des élèves ne sentant pas beaux n’ont pas confiance en eux sur le plan scolaire, contre 16% de ceux qui se disent beaux. Et ce regard sur son corps influence d’autres indicateurs de dépréciation scolaire tels que le fait d’avoir peur « de l’échec » ou « de prendre la parole en cours » : respectivement à 90% et à 64% chez les élèves ne se jugeant pas beaux.
16- L’auto-dépréciation de son niveau scolaire joue également un rôle sur sa santé mentale dans une proportion moindre mais tout aussi significative, si on en jugepar le nombre de jeunes ayant pensé à se suicider parmi ceux estimant être des mauvais élèves : 31 %, contre 14 % chez ceux s’estimant être un très bon élève.
Le point de vue d’Erika Seydoux (coach et co-fondatrice IAMSTRONG) : « Les résultats montrent un écart préoccupant dans la santé mentale des jeunes en fonction du genre, avec des taux d’anxiété, de dépression et de pensées suicidaires significativement plus élevés chez les jeunes filles. Cette disparité peut être en partie expliquée par plusieurs facteurs : certes des variables culturelles comme le fait que les hommes sont moins enclins à admettre leur fragilité (désirabilité sociale), mais pas seulement ; chez les filles, les changements pubertaires sont souvent plus intenses, les injonctions à la perfection physique sont omniprésentes, et la consommation des réseaux sociaux est plus importante. Ces pressions combinées alimentent un climat de stress et d’anxiété qui
affecte profondément leur bien-être mental.
Les résultats de cette enquête dressent un constat préoccupant : un jeune sur quatre a déjà eu des pensées suicidaires, et près de la moitié d’entre eux a vécu des troubles anxieux ou dépressifs ces 12 derniers mois. La fragilité de la santé mentale des jeunes est accentuée par des pressions multiples — académique, sociale, et esthétique — qui touchent plus particulièrement les filles. Cette étude révèle également l’impact majeur de l’auto-épréciation, avec des jeunes se percevant comme “pas beaux” ou “mauvais élèves”; étant bien plus sujets au stress, à la solitude et aux pensées suicidaires. Face à cette réalité, IAMSTRONG appelle à une action collective pour prioriser la santé mentale des jeunes, en mettant l’accent sur la prévention, le renforcement de l’estime de soi et des outils de résilience pour faire face à un monde qui les met à rude épreuve.
Anne-Claire de Pracomtal et Erika Seydoux, psychologue, coach et co-fondatrices de IAMSTRONG.
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